L’autorité parentale conjointe est une utopie moderne qui ne date que de 1970. Auparavant, seul le père de famille (pater familias) avait des droits sur l’enfant. « L’enfant appartient au père et non à la mère, comme la pomme appartient au propriétaire et non au pommier. » – Code Napoléon de 1804
Entre le père et la mère, il va falloir trancher :
– autorité paternelle unique (patriarcat) : abolir le droit des mères et des femmes
– autorité maternelle unique (matriarcat) : abolir le droit des pères et donc, la reconnaissance de paternité.
Dans la mythologie grecque, les premiers dieux-pères assassinaient leurs enfants, de peur que ceux-ci ne les assassinent à leur tour, pour venger leurs mères épousées de force. Lors de l’avènement du patriarcat, il y eut une grande guerre d’autorité parentale. L’enfant, qui autrefois appartenait à la mère, appartient désormais au père. Alors, pour trancher l’affaire, le père tua l’enfant : détruire pour posséder. Il institua ensuite le sacrifice du premier né au nouveau dieu-père, afin encore une fois d’affirmer sa puissance paternelle : ce sacrifice fut chez les juifs remplacé par la circoncision. Chez les romains, la puissance paternelle, ou patria potesta, était le droit de vie ou de mort du mari sur sa maisonnée : épouse, enfants, esclaves… Avec la fin du mariage, consécutive à l’émancipation des femmes, la guerre d’autorité parentale refait surface, entraînant son lot traditionnel d’infanticides.
De plus en plus de pères tuent leurs enfants
Par Monique Crépault le 23 mai, 2013 sur Sympatico.ca
Carla et Matthew Stevenson : assassinés par leur père le 18 mai dernier.
Un phénomène croissant
Alors que la France vient d’être secouée par l’assassinat de deux enfants, de 10 et 5 ans, par leur père, Julian Stevenson, et nous avons encore tous en mémoire, fraîche, trop fraîche, l’assassinat à coups de couteau par Guy Turcotte de ses deux enfants en février 2009, une criminologue britannique révèle les résultats d’une longue recherche menée sur le terrible phénomène des pères qui tuent leurs enfants.
Selon les données recueillies par la Dre Elizabeth Yardley, directrice adjointe du Centre de criminologie appliquée de l’université de Birmingham, en Grande-Bretagne, la fréquence des pères tuant leurs enfants est de plus en plus élevée : on compte 71 cas de parents meurtriers de leurs enfants depuis 1980.
Dans les années 1980, moins d’un enfant était assassiné par un parent. Au cours de la dernière décennie, le nombre est passé à deux ou trois par année, un taux qui va toujours et régulièrement en augmentant.
Les mères tueuses : 41%
Les mères aussi tuent leurs enfants. Mais sur les 71 meurtres survenus depuis 1980, 59 d’entre eux (83 %) étaient perpétrés par les pères.
(Ces données concernent la Grande-Bretagne, mais on s’entend pour dire que ce n’est pas plus reluisant ailleurs ?)
Exterminateurs familiaux à sang froid
Ces pères, la criminologue britannique les surnomme les « exterminateurs familiaux » (pour Family Annihilators) à cause du sang-froid dont ils font montre quand vient le temps de comploter la destruction de leur famille.
Le Dr Yardley a examiné les cas des meurtres d’enfants commis par leurs parents depuis 1980, vérifiant toutes les données, du genre d’emploi du père jusqu’aux jours de semaines où ces meurtres ont été commis, ce qui lui a permis de déceler quelques constances plutôt extraordinaires.
Le sang du divorce
Dans sept cas sur 10, les enfants étaient au centre d’une amère rupture familiale. Cette constance annoncée, la criminologue s’empresse toutefois de préciser qu’elle ne suggère en rien que les divorces mènent nécessairement au meurtre. Loin de là.
Incapables d’assumer la rupture
Ce qu’elle trouve par contre plutôt inquiétant, c’est que certains hommes, heureusement minoritaires, sont incapables d’assumer la rupture. Des hommes qui viennent de tous les horizons : médecins, hommes d’affaires, électriciens, camionneurs ou gardiens de sécurité, cette incapacité ne connaît pas de frontière professionnelle.
Le cardiologue Guy Turcotte avec Anne-Sophie, 3 ans, et Olivier, 5 ans, qu’il a tués le 20 février 2009.
Perte de leur puissance paternelle
Ces pères ont pourtant une chose en commun, explique le Dr Yardley : ils ont le sentiment que leur masculinité est menacée. En divorçant, ils croient perdre la seule chose qui fait d’eux des hommes qui ont réussi : leur famille.
« Si je ne peux les avoir, personne ne les aura. »
Détruire pour posséder
En tuant leurs enfants, ils se battent pour retrouver, de façon tordue, le contrôle non seulement de leurs enfants, mais de leur femme aussi.
Tuer leurs enfants est la façon la plus choquante et la plus dramatique qu’ils ont pu trouver pour crier au monde :
« Regardez comme je suis puissant ! »
L’ultime vengeance
La plupart cherchent aussi la vengeance, l’ultime vengeance. Ils savent pertinemment qu’en tuant leurs enfants ils tuent ce qu’il y a de plus précieux dans la vie de leur ex-femme. Ce n’est pas pour rien que la plupart d’entre eux laissent une note sur le lieu de leurs crimes, blâmant la mère pour la tragédie.
« J’espère que tu seras heureuse maintenant » ou encore « Tu as maintenant le reste de ta vie pour affronter les conséquences », ajoutent-ils parfois, pour ajouter le sarcasme au malheur.
Adultère et perte définitive des enfants et de la femme
La criminologue souligne que les exterminateurs familiaux suivent deux scénarios, tous deux également fatals pour les enfants.
- Le premier : les parents vivent ensemble, mais la famille est en train de se fracturer, souvent parce que le mari ou la femme a une relation extra-conjugale. Le père ne peut supporter la pensée de perdre ses enfants et est en colère contre sa femme, à qui il inflige l’ultime punition.
- Le second scénario : le mariage est déjà rompu, les parents sont séparés et les enfants vivent avec leur mère. Le père veut se venger et le point de non-retour est souvent atteint quand l’épouse a un nouveau partenaire ou est enceinte. Il rêvait d’une réconciliation. La voilà impossible : il a perdu sa femme pour toujours.
Tout à fait normaux, en apparence
La prunelle de nos yeux… Je donnerais ma vie pour eux… Je les aime plus que moi-même… Ce sont des paroles que l’on entend souvent de la bouche de parents pour qui l’idée même de tuer leurs enfants est non seulement odieuse, mais tout simplement inconcevable.
Un crime planifié des mois à l’avance
Mais pas pour les exterminateurs familiaux, qui passent souvent des semaines, voire des mois, à planifier chaque détail de leurs crimes. Et tout ça, fait remarquer le Dr Yardley, en gardant une apparence de normalité à laquelle tous ceux qui les côtoient se laissent prendre, témoignant même par la suite à quel point ils semblaient être des pères aimants et dévoués.
Le meurtre du week-end sur deux
Une autre constance dans ces assassinats : ils se produisent presque toujours durant les week-ends. Sûrement parce que c’est souvent à ces moments-là que les pères séparés peuvent voir leur progéniture.
Image tirée d’une caméra de surveillance, où l’on voit Stevenson achetant des pâtisseries à ses enfants, quelques heures avant de leur trancher la gorge.
Le couteau de l’horreur
Autre découverte faite par la criminologue : un meurtrier sur trois poignarde ses enfants à mort. Ce fut le cas entre autres de Julian Stevenson et de Guy Turcotte. Une façon horrible de mourir… et de tuer.
Pour affirmer la puissance paternelle
Ce faisant, ces hommes cherchent à infliger le plus de dommages possible à leurs enfants, juste pour prouver à quel point ils sont puissants. Et pour infliger le plus de peine possible à la mère… Autre fait révélé par la criminologue : moins de 10 % des exterminateurs familiaux ont un passé de violence familiale et la majorité n’a aucun passé de maladie mentale. Mais ce qui effraie le plus le Dr Yardley (et moi aussi…), c’est la croissance tellement régulière de ce type de meurtres.
Comment empêcher l’horreur ?
Peut-on prévenir cette montée irrésistible ? La criminologue n’offre aucune réponse et je ne suis aucunement spécialiste de la question. Dans un article paru dans Québec Science en 2009, suite à la tragédie Turcotte, Camil Bouchard écrivait : « La réponse à (cette) question dépend d’abord largement de notre capacité à mener des études épidémiologiques permettant de mieux cerner à la fois les caractéristiques des agresseurs et des contextes dans lesquels se produisent ces événements. C’est ce que le Québec a entrepris depuis plusieurs années en matière de suicide. Et les résultats obtenus sont encourageants. On ne peut bien prévenir que ce que l’on connaît bien ». C’est un début de piste.
Un symptôme de la fin du mariage
Les mariages continueront à se défaire. Certains pères continueront à se sentir impuissants et blessés.
« Et ne rien faire, comme le concluait Camil Bouchard dans son texte, n’est pas une option ».