Vincent Cespedes : un nouveau Mai 68 pour abolir le couple, symbole de la bourgeoisie patriarcale

MAI 68, LA RÉVOLUTION MATRICIENNE DEVOYEE : Le couple (vie à 2 + fidélité éternelle) n’a été inventé que pour garantir la reconnaissance de paternité et le droit des pères, piliers du patriarcat. Dans toute société patriarcale traditionnelle, le couple n’est reconnu qu’à travers le mariage, et est un devoir légal : tout écart est sévèrement puni (exemple : la charia islamique). La survie du couple et de la paternité a toujours nécessité l’esclavage des femmes à travers le mariage. Dès que cette répression sexuelle disparaît, couple et paternité disparaissent irrémédiablement, ce qui est est constatable aujourd’hui dans les sociétés où les femmes ont été émancipées de la tutelle du père puis du mari. Mai 68 avait abordé ces réflexions : la remise en cause du couple, de la paternité, et l’étude de l’alternative matriarcale. Mais cette véritable révolution nuisait aux projets des élites, qui ont tôt fait de détourner la révolution sexuelle de ses objectifs, grâce à la traîtrise du néo-féminisme bourgeois anti-hétéro, anti-féminité, anti-maternité, anti-matriarcat, ainsi qu’avec la « libération sexuelle pédophile » d’un certain Dan Cohen Bandit. Aux oubliettes les auteurs matriciens tels Engels, Lafargue, Reich, ou Malinowski, aux oubliettes le matriarcat, les tribus trobriandaises, l’abolition du couple, et la famille alternative…

«Il faut un nouveau Mai-68 pour sortir de l’encouplement généralisé»

Le 07/11/2007 à 12:39 sur Contre Journal

La suite de Mai 68 : amour libre et famille alternative

Le philosophe Vincent Cespedes invite à poursuivre « la réflexion philosophique sur l’amour initiée en Mai-68 », pour sortir de l’impasse de « l’encouplement et de la possession » amoureuse. Il imagine des modèles familiaux alternatifs.

Une autre politique de l’amour

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Vincent Cespedes, écrivain et essayiste, est l’un des philosophes invités par Libération. Il a consacré plusieurs livres aux relations amoureuses. Je t’aime, une autre politique de l’amour en 2003, et Mélangeons-nous, enquête sur l’alchimie humaine, en 2006. Le philosophe est aussi blogueur. Son post du 28 octobre dernier s’intitule d’ailleurs «Comment s’aimer s’en s’encoupler ?».

 Mai 68 n’a pas eut lieu

«Aujourd’hui, on entend parler de liquider l’héritage de Mai-68. Mais Gilles Deleuze disait « mai 68 n’a pas eu lieu ». C’est peut être ce qui explique les impasses actuelles. Mai-68 n’a pas eu lieu au niveau du rapport à l’éducation, au niveau du savoir, au niveau de la relation amoureuse.

Mai 68 dévoyé par des non-intellectuels

Il y a eu énormément d’expérimentations mais qui n’ont pas été pensées par les intellectuels. Il n’y a pas eu cette réflexion de fond mettant sur la table les grandes questions de la vie quotidienne. Mai-68, c’est une sorte de mise à plat et de réflexion philosophique – où? Comment? Pourquoi? Quelles sont les valeurs? – des questions qui touchent le quotidien, l’éducation, la vie sexuelle, etc. Cela été très vite dévoyé.

Mai 68 mis aux oubliettes

Dès le mois d’octobre 68, les premières pub de marques à la télé apparaissent. On ne devait pas vanter à la télé des produits que l’ouvrier ne pouvait pas s’acheter pour ne pas provoquer des frustrations. On est très loin de ces précautions aujourd’hui, avec la « pubtréfaction » de l’espace public jusqu’aux médias. On a une vraie vague de réaction à Mai-68, même au niveau de la philosophie. C’est comme si la philosophie académique gommait complètement cet héritage. La liquidation est une réussite, concernant les penseurs des années 60-70 ; pour preuve, très peu d’étudiants de philosophie connaissent des Lyotard, Lefebvre, Castoriadis, etc. Ce sont des gens qui ont été gommés au profit de Kant et des penseurs du siècle dernier.»

La norme moderne du divorce

«Personnellement, je suis un des premiers enfants de divorcés. Dans les années 78-80, nous étions un ou deux par classe. On nous prenait pour des bêtes curieuses. Aujourd’hui, la moitié des classes sont composées d’enfants de divorcés. On divorce quand l’enfant a un an, on se sépare même quand l’enfant est en pleine conception.

Mai 68 anti-couple, symbole de la bourgeoisie patriarcale

Il y a un constat à faire sur le fiasco total qu’induit le modèle amoureux de possession mutuelle, un modèle contractuel. C’est : »Je t’aime = Je t’ai ». « Tu m’appartiens, tu es mien-ne ». L’amour comme possession réciproque. Ce que Mai-68 mettait à mal c’était justement cet exlusivisme. Il était prohibé de dire « mon amour ». Le « mon » ou le « ma » possessifs étaient proscrits. Léo Ferré clamait : « Quand je vois un couple dans la rue, je change de trottoir ! » C’était ça l’esprit Mai-68. Il n’y avait pas plus réactionnaire, plus bourgeois que le couple, qui renvoyait au modèle traditionnel, patriarcal.

Maintenir le flicage amoureux : déprimant, consommateur, dépolitisant

Tout cela s’est édulcoré, rattrapé par une société qui avait un intérêt à maintenir le flicage amoureux généralisé (si déprimant, si pousse-à-la-consommation, si dépolitisant…), et nous avons eu la grande mode de la famille recomposée, qui arrangeait tellement les adultes. Aujourd’hui, nous avons les enfants qui disent : « Ce n’était pas si idyllique que çà ! »

Aujourd’hui, on est dans la famille décomposée.

Le marketing du couple : un produit de consommation normatif

Nous souffrons d’encouplement, cette parodie d’amour. Ce grand gag hyperplebiscité pour policer le peuple, édulcorer ses jeux roboratifs, faire un hold-up sur ses vertiges et les lui revendre au compte-goutte et au prix fort — marchandise sexuelle aseptisée et déconnectée des implications humaines. Inhibition, angoisse, mensonge, culpabilité, tromperie : les encouplés acceptent de sous-vivre et de sous-aimer pourvu que tout le monde les suit, et pourvu qu’ils soient perçus comme « normaux » aux yeux de tout le monde.

Reprendre Mai 68 là où il a été saboté

Il faudrait poursuivre cette interrogation philosophique sur l’amour qui a été initiée en 1968 :

  • Qu’est-ce que c’est aimer l’autre ?
  • Est-ce que c’est un attachement ?
  • est-ce que ce doit être libre ? Il y avait des modèles.

Le Nouveau monde amoureux de Charles Fourier (1772-1837)

Qui paraît seulement en 1967 est une bombe. Ce philosophe fait la théorie de la partouze, la théorie de l’amour dans ce qu’il y a de plus sensuel et de plus socialisant. Fourrier montre que l’amour hypocrite, antisocial, exlusiviste, mène à une pénurie sexuelle par rapport à nos vrais désirs, on se coltine avec une seule personne, et liberté et la création amoureuses passent à la trappe. Il y a eu des modèles alternatifs de l’amour. Simone de Beauvoir, Sartre ; les amours contingentes, l’amour nécessaire. Fourrier disait « on a tous des amours pivotales ». On a des gens qui sont des pivots affectifs pour nous, mais cela n’empêche en rien de trouver du plaisir sensuel et de construire des liens sentimentaux ailleurs.

Lire Fourier & Godin (19e s.) : Phalanstères & Familistères, coopératives communautaires anti-couples

Le psy, nouveau prêtre du patriarcat

La réaction passe aujourd’hui dans la « mise en psy » des relations humaines. Je ne parle pas spécifiquement de la psychanalyse, mais du « psy », le nouveau prêtre des plateaux TV. On est dans un univers ou les seuls qui ont des choses à dire sont des psy. Et que disent-ils? Ils ne font pas un travail d’interrogation, de questionnement. Ils font un travail de normalisateur, de pasteur. Ils donnent des conseils, orientent, guident. A la question amoureuse, on demande au psy comment faire.

La secte du couple obligatoire : le fiasco d’une utopie

J’aimerais qu’on prenne acte du fiasco amoureux dans lequel on enfonce les amoureux de vingt ans. Il n’y a qu’un seul modèle visible c’est le couple obligatoire, c’est l’encouplement. S’aimer, c’est s’encoupler. Tu ne peux pas aimer si tu ne t’encouples pas. Et l’on est aujourd’hui dans cette impasse : ce modèle ne marche pas, et les jeunes gens le savent. Ils se disent tous pourtant : « Moi, j’arriverai à faire le Super-Couple ! Je réussirai, alors que personne n’y arrive ! ». On pourrait réfléchir à des modèles alternatifs. Il y a autre chose que l’encouplement quand on a cette chance, ce bonheur, d’aimer.

Fidélité à une religion, et non à l’amour

Dans leur jargon, la «fidélité» est une fidélité non pas à l’autre parce qu’on l’aime, mais à une religion parce qu’on y voit la clé du bonheur : le culte de l’Encouplement, autrement dit, l’exclusivité sexuelle. Sortir de l’encouplement ? Plutôt crever. Dont acte : à trop vouloir programmer l’amour, nous crevons à petit feu d’une anorexie d’amour »

La révolution contraceptive : le sexe sans engagement procréatif

L’arrivée de la pilule a été une révolution : on séparait le coït, l’acte charnel, de l’enfantement. Cependant, est-on allé au bout de cette libération-là ? Avoir des relations sexuelles déconnectées de la parentalité future. Aujoud’hui, on a une chance extraordinaire : le préservatif « obligatoire ». Tout le monde s’est lamenté ; on a entendu qu’on mélangeait l’amour et la mort, que le préservatif était fastidieux… Or grâce à lui, on peut avoir des relations de danse sensuelle avec qui l’on veut sans que cela engage quoi que ce soit. Il faudrait montrer que c’est une chance plutôt qu’un malheur, ce qui nous arrive.

Le mensonge médiatique de la réussite du couple

Il faut aussi critiquer le schéma amoureux véhiculé par les médias, qui ne parlent que de la réussite des couples. On sait que l’on est en réalité dans le cocufiage généralisé, dans la plus parfaite hypocrisie traditionnelle, alors qu’on pourrait reconsidérer les liens de liberté et d’amour.

La famille alternative sans couple : la famille tribale ?

Pour l’éducation, il s’agit aussi de penser des modèles alternatifs. Les moments des vacances sont des moments fabuleux, lorsqu’elles se passent en « tribus ». Pourquoi ne pas imaginer au quotidien  des coordinations des couples ? Ne pas faire des enfants qu’à deux, mais à dix, à vingt… Etre coresponsables. Bien sûr, il y aurait des parents biologiques, mais l’idée de coparentalité active, voulue, est la continuation de ce qu’a entamé la pilule, cette séparation libératrice entre le fait de faire l’amour et le fait de faire des enfants. On pourrait dissocier le sentiment, passionnel, exclusiviste, aléatoire, et le fait d’avoir des enfants. Avoir des enfants avec des personnes pour lesquelles on n’a pas une passion amoureuse flamboyante qui risquerait de finir en fiasco.

Et pourquoi ne pas séparer paternité biologique et paternité sociale ? Définition du Matriarcat : une société sans père ni mari, mais pas sans oncles

Le couple tue

Beaucoup de passions finissent dans la haine et la violence. Je vous rappelle qu’il y a une femme qui meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint. C’est une catastrophe. Le couple est un danger pour les femmes. On est dans un réel tabassage de l’autre avec cette relation de possession mutuelle.

Abolir le couple : la vraie révolution politique

Le modèle alternatif, c’est quoi ? Un mélange. Dans la grande collectivité, on se répartit les responsabilités, on élève les enfants en commun. C’est ce qui a été tenté dans les communautés des années 1970 ; mais il aurait fallu que chacun puisse retrouver sa solitude quand il le désire, c’est une des clés de la réussite. Sortir de l’encouplement serait une véritable révolution politique, mais par l’organisation amoureuse.»

Propos recueillis par Karl Laske

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