Iran : la fin du mariage. Explosion de divorces : une maladie sociale qui menace la nation islamique

L’émancipation des femmes est incompatible avec le mariage. Pour preuve, dès qu’elles acquièrent la liberté de travailler et d’étudier, les divorces explosent, comme on peut l’observer dans la république islamique d’Iran, pourtant régie par la charia.

IRAN : Les femmes n’ont (presque) plus peur de divorcer

Les femmes cherchent à s’affranchir du mariage

Bravant la tradition et le régime, les Iraniens divorcent de plus en plus. Et ce sont surtout les femmes qui cherchent à s’affranchir d’une institution qu’elles ne supportent plus, constate The New York Times. THE NEW YORK TIMES, par| WILLIAM YONG le 22 DÉCEMBRE 2010 sur le Courrier International
Mehdi Baghernejad, Mianeh, Londres

La journée sans divorce

La transformation du paysage social iranien inquiète les autorités. La traditionnelle Journée du mariage a ainsi été rebaptisée cette année Journée sans divorce, et le ministre de la Justice a déclaré que plus aucune autorisation de divorce ne serait délivrée.

L’explosion des divorces : 1 mariage sur 4

L’anxiété du pouvoir est compréhensible : les divorces ont explosé en Iran. Un mariage sur sept finit par un divorce dans l’ensemble du pays, et le ratio est de 1 sur 3,76 à Téhéran. Le plus surprenant est la volonté croissante des Iraniennes de mettre fin à des unions indésirables. Dans un pays musulman conservateur tel que l’Iran, où le divorce est fortement découragé, cette tendance est spectaculaire.

Une maladie sociale de plus en plus précoce

Non seulement le nombre de cas est enhausse mais le divorce est demandé de plus en plus tôt : 30 % dans la première année du mariage et 50 % dans les cinq premières années. Selon certains, ces estimations seraient même en deçà de la réalité. Les commentateurs conservateurs qualifient cette tendance de « maladie sociale » au même titre que la toxicomanie et la prostitution.

Le réveil des iraniennes : une menace nationale

Les responsables politiques et les membres du Parlement en parlent désormais comme d’une « crise » et d’une « menace nationale ». Les explications à ce phénomène sont variées : les observateurs les plus progressistes avancent des facteurs comme l’urbanisation rapide, le coût de la vie et un taux de chômage élevé. Les conservateurs incriminent un athéisme croissant chez les jeunes et la corruption exercée par les médias occidentaux. Mais la majorité des experts sont d’accord pour dire que l’élément le plus influent est un « réveil » des Iraniennes, qui est enpasse de modifier la conception traditionnelle du mariage, des relations, de la carrière et de la place des femmes dans une société encore très patriarcale.

Travail et études entravent le mariage

Selon les chiffres officiels, 20 % des Iraniennes travaillent ou recherchent activement un emploi aujourd’hui contre 7 % dans les années qui ont suivi la révolution islamique de 1979. Et il y a presque deux fois plus d’étudiantes que d’étudiants dans les universités. « Les femmes ont trouvé le courage de rompre avec la tradition et disent non au passé », explique Azardokht Mofidi, psychiatre. « Elles ne sont plus disposées à subir les difficultés du mariage et veulent davantage de choses, dont l’égalité dans une relation. »

Une femme entre dans la maison de son mari dans sa robe de mariée, blanche, et en ressort dans son linceul, blanc

Nazanin, qui a 50 ans et a divorcé deux fois, est passée par toutes les étapes du changement des mentalités. Mariée à 18 ans pendant les années tendues de la révolution islamique et de la guerre Iran-Irak, elle a divorcé au bout de deux ans, à contre-courant d’une société fidèle à l’adage perse disant qu’une femme entre dans la maison de son mari dans sa robe de mariée, blanche, et en ressort dans son linceul, blanc.

Le déshonneur du divorce

« J’ai caché que j’étais divorcée pendant plusieurs années », dit-elle, assise, sans hidjab, dans le modeste appartement où elle vit avec son fils. « Ma famille racontait aux voisins que mon mari était parti travailler à l’étranger. Parce que j’étais très jeune, je n’ai rien dit à personne et j’ai continué à porter mon alliance. » Sa séparation d’avec son deuxième mari il y a quatorze ans a de nouveau été mal vécu par ses parents, très religieux.Nazanin constate depuis lors un revirement dans l’attitude de la société.

L’assurance-mariage à l’origine des divorces

L’augmentation du taux de divorce paraît encore plus extraordinaire en regard des lois iraniennes. En effet, si les hommes ont le droit de mettre fin à leur mariage en quelques semaines sans invoquer une quelconque raison, les femmes doivent avancer des motifs valables et les démarches peuvent prendre plusieurs années. Alors, pour accélérer les choses, les Iraniennes se servent de plus en plus de leur merieh, une somme d’argent sur laquelle les époux se sont mis d’accord avant le mariage et qui constitue une sorte d’assurance-mariage islamique. Dans les divorces par consentement mutuel, elles peuvent renoncer à une partie ou à la totalité de leur merieh comme incitation financière pour que le mariles laisse partir.

Abolir l’assurance-mariage ?

Ces dernières années, le montant des merieh a augmenté de façon considérable, atteignant des dizaines de milliers de dollars. Certains conservateurs ont proposé de les plafonner pour réduire le nombre de divorces. Les ecclésiastiques et les membres du gouvernement sont pour leur part plus favorables à l’idée d’instituer un merieh purement symbolique – une poignée de pièces d’or ou un coran. Reste à voir si des mesures de ce type parviendront à endiguer le flot de divorces, surtout dans une société où, manifestement, il est de moins en moins considéré comme une chose honteuse.

Villes : études et emplois incompatibles avec le mariage

Les restrictions imposées à la vie privée des Iraniens deviennent de plus en plus difficiles à appliquer dans les grandes villes. Les jeunes Iraniens des classes moyennes et aisées sont peu enclins à accepter des mariages arrangés. Les jeunes femmes, qui ont un niveau élevé d’éducation et un emploi, n’hésitent plus à demander le divorce.

Campagnes : suicide et meurtre quand le divorce est impossible

Dans les campagnes, le taux de divorce reste bas. Dans certaines régions du pays, l’impossibilité de divorcer a conduit à une hausse du taux de suicide chez les femmes de moins de trente ans. Dans des cas extrêmes, les épouses peuvent aller jusqu’à tuer leur époux si celui-ci ou sa famille s’oppose au divorce.

L’enfant appartient au père

Il demeure difficile pour une femme ayant divorcé d’obtenir la garde de ses enfants.

Iran: le nombre de divorces bat un record

Le Figaro, le 22/04/2014

Malgré une politique pro-mariages

Plus d’un mariage sur cinq s’est soldé par un divorce l’année dernière en Iran malgré une politique gouvernementale encourageant mariages et naissances pour lutter contre le vieillissement de la population, selon des chiffres officiels publiés aujourd’hui par les médias.

21% de divorces

Le taux de divorce atteint désormais 21%, contre 12% il y a sept ans. Le phénomène est encore plus important dans les grandes villes: à Téhéran, près d’un mariage sur trois ne résiste pas à l’épreuve du temps. « Durant l’année iranienne 1392 (mars 2013 – mars 2014), il y a eu 757.197 mariages (en baisse de 4,4%) et près de 158.753 divorces (en hausse de 4,6%) » dans le pays, a déclaré Ahmad Toysarkani, chef du bureau national des registres, cité par l’agence officielle Irna.

Qui entraîne une chute démographique

Selon Toysarkani, cette forte augmentation s’explique par l’intervention de la famille d’un des deux époux, le non-respect des clauses financières du mariage, la pauvreté, la drogue ou encore la violence conjugale. Dans le même temps, le taux de croissance de la population a chuté à 1,2% l’année dernière, le plus bas dans toute la région, et le taux de fécondité atteint 1,8%, selon le ministère de la Santé.

Vers une croissance démographique nulle d’ici 30 ans

Les responsables iraniens se sont alarmés ces derniers mois du risque de vieillissement de la population. Le chef de l’état civil, Mohammad Nazemi Ardekani, a récemment averti qu’à ce rythme, la croissance démographique pourrait être nulle « d’ici 30 ans ». Le Parlement discute actuellement de réformes dans une série de lois qui encourageaient le contrôle des naissances pour favoriser au contraire une augmentation de la natalité.

Objectif : doubler la population iranienne

Le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, a lui-même demandé au gouvernement et au Parlement de prendre des mesures afin d’augmenter le nombre de naissances. L’objectif est de doubler la population iranienne, estimée par le gouvernement à 77 millions, pour atteindre 150 millions d’ici 50 ans.

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