Un mythe occidental fondateur, analysé par Agnès Echène, universitaire, chercheuse en anthropologie culturelle.
Agnès Echène retrace un amour qui aurait pu couler des jours heureux entre le magnifique et tragique Tristan, et la sublime et astucieuse Iseut. Si ce ne fut pas le cas, il faut en chercher la cause non pas dans la passion qui les unit mais dans ce qui s’y oppose, notamment le mariage d’Iseut et du roi Marc, mariage ignoré des sociétés pré-féodales, mariage alors en cours de légitimation. Mais comment tout cela s’est-il constitué ?
Héros lumineux et tragiques, Tristan et Iseut, demeurent, malgré leur ancienneté, les figures emblématique de notre idéal amoureux. Elles surgissent pourtant à une époque où l’amour ne ressemble guère à ce que nous connaissons. Car Tristan & Iseut innovent ; ils inaugurent une nouvelle inscription sociale du couple, jusqu’alors inconnue. En effet, la société dont ils sont issus diffère absolument de la société féodale qui se met en place en leur temps. Et l’amour en est profondément remanié. C’est alors précisément qu’apparaît le mariage qui va donner à l’amour – et à la passion, l’adultère, la pornographie, la virginité, la filiation … – une configuration nouvelle qui traverse les siècles jusqu’à nous, et nous demeure familière.
Les textes de Thomas et Béroul, et maints « contes & romans » de ce temps, naissent d’une tradition orale encore vivante ; les auteurs sont encore tout habités des mœurs anciennes structurant les sociétés non-féodales. Et leurs héros sont aux prises avec un « vécu amoureux », un « discours amoureux », bien différents de ceux des anciens, mais qui a duré jusqu’à nous. C’est alors qu’apparaissent ces débats intérieurs, ces longs dilemmes introspectifs propres à la tradition romanesque occidentale. Ils signalent un malaise qui est peut-être plus le fait de la nouvelle manière d’aimer que de l’amour en soi. Car si ces textes décrivent les règles sociales instaurées par la féodalité, notamment le mariage, ils se font en sourdine l’écho de mœurs anciennes que les auteurs restituent avec un soin qui pourrait témoigner de leurs regrets.
L’approche anthropologique et littéraire qui est la mienne se démarque des analyses d’un Rougemont, d’un Markale et des exégètes de la littérature médiévale. Par son caractère matérialiste et historique, elle tente de montrer la profonde opposition entre la société née de la féodalité, fondée sur le couple instituant la famille d’alliance, et les sociétés basées sur d’autres formes amoureuses et la famille de naissance, bien mise en lumière par les travaux des Makarius, de Poly, Bournazel, Meillassoux etc.
==> Téléchargez le livre PDF de 84 pages TRISTAN & ISEUT OU LE DESASTRE DE LA CONJUGALITÉ
SOMMAIRE
- LES CŒURS D’AMOUR EPRIS
- LA PLUS BELLE FEMME DU MONDE ET LE PLUS BEAU DES CHEVALIERS
- DROSTAN LE PICTE
- LA FLEUR DES CHEVALIERS
- ESSYLT D’IRLANDE
- LA FRANCHE PUCELLE
- LA FEERIE
- LA MAGIE
- LA DRUERIE
- LA TERRE DES FEES
- LES GEANTS
- LE SERPENT ET AUTRES ANIMAUX
- LE GROUPE TOTEMIQUE d’ISEUT
- LE SANGLIER DE KELYDDON
- LES JEUNES LOUPS
- TRISTAN, CHAMPION DE L’ORDRE NOUVEAU
- LES GEANTS
- LE DRAGON
- LE MARIAGE
- LA MAISON ET L’AMOUR
- LE MARIAGE FEODAL
- LE PARTAGE DES FEMMES
- LA HIERARCHIE
- L’HONNEUR CONJUGAL
- LE DESHONNEUR
- L’AMOUR COURTOIS
- LE MARIAGE RELIGIEUX
- LES GENS DU TOTEM
- LE NOM DU PERE
- L’AVILISSEMENT DU MONDE
- LA PERSECUTION DES FEMMES
- L’HERITIER, LE BATARD ET LA FILLE A MARIER
- L’AVILISSEMENT DES FEMMES
- L’AVILISSEMENT DES HOMMES
- L’AVILISSEMENT DE L’AMOUR
- HORS LE SERVAGE DU MARIAGE
- LE REFUS DU MARIAGE
- L’INJONCTION AMOUREUSE
- LA MORT DES AMANTS
- LA TERRE DE PROMESSES
BIBLIOGRAPHIE