Matriarcat Mandingue (Sénégal, Mali, Guinée Bissau) : du totémisme à l’islam, à la fondation de royaumes matrilinéaires

Les Malinkés ou Mandingues, Mandinkas, Mandingos, Mandés, Maninkas, sont un peuple d’Afrique de l’Ouest présent principalement au Mali et en Guinée et de façon minoritaire au Sénégal (environ 4 %) dans la région proche de la frontière malienne, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire (Nord-Ouest autour d’Odienné) et en Guinée-Bissau. Ils sont originaires du Mandé, foyer historique des peuples Mandingues. Les Malinkés sont présents en petit groupe aux nord de la Sierra Leone, et du Libéria, leur limite à l’est, et le Niger. On estime leur nombre à environ 4 millions.

Du matriarcat totémique à l’islam

Entre le viiie et xe siècles, les Soninkés sont les premiers Mandingues à se tourner vers l’islam, en particulier ceux de la noblesse de l’Empire du Ghana. Ce sont les commerçants Arabo-Berbères venus du nord, qui apportèrent l’islam chez eux. Aujourd’hui, les Malinkés sont essentiellement musulmans. Quelques autres sont restés fidèles à leur religion traditionnelle. Dans le passé, seule la noblesse malinké était partiellement islamisée, ils n’ont jamais pratiqué le prosélytisme religieux au sein de leur communauté. Contrairement aux peulhs, ils n’ont jamais imposé l’islam, dans leurs États. La plus grande partie des Malinkés suivaient leur religion traditionnelle. Ils pratiquaient leur religion, très marqués par le « culte des ancêtres », le totémisme, le Matriarcat, et étaient divisés en sociétés secrètes, religieuses et purement ésotériques, comme celle du Komo au Mali. C’était en fonction des classes d’âge que l’on était initié aux différentes sociétés. Les Malinkés musulmans ont donné naissance à une communauté mandingue: les Diakhankés, un groupe de marabouts mandingues voyageurs. Voir (Confréries de chasseurs en Afrique).

Autrefois matrilinéaire

L’organisation sociale repose sur la famille élargie, à tendance matrilinéaire, mais devenu patrilinéaire sous l’influence de l’islam. La polygamie est une pratique courante, en particulier chez les nobles. La société est hiérarchisée en trois niveaux :

  • la noblesse, issue entre autres de la famille des Keïta, empereurs du Mali, dont les membres portent le nom de Tontigui, et certains sont des hommes libres vivant de l’agriculture.
  • les gens de castes (forgerons, cordonniers, tisserands, les griots appelés Dyeli), qui portent le nom de Niamakhala.

Les forgerons, sont les principaux détenteurs du savoir religieux, ils sont les grands initiés de la société Malinkée.

  • Auparavant captifs, ils portent le nom de Dyon. Ils ont été affranchis au début du xxe siècle.

Dans les villages malinkés, il existe des sociétés secrètes. Les chasseurs, qui portent un boubou, sur lequel sont fixés différents grigris (cauris, morceau de miroir, griffes et dents de fauves), se regroupent dans les confréries de chasseurs.

Le royaume de Kaabu

Le Kaabu (nommé ainsi par les Mandingues, Kabou ou Gabou par les Sérères, Ngabou par les Peuls) est un ancien royaume mandingue du Sénégal et de la Guinée-Bissau. La terre de Kabou et de la savane guinéo-gambienne connut de nombreuses ethnies qui ont certains traits communs : cultivateurs, animistes et organisés en sociétés sans pouvoir central. Certaines auraient connu le « muso mansaya », c’est-à-dire le matriarcat. Le royaume du Gabou, d’après la tradition orale, a été fondé par le Malinké Tiramakan Traoré, l’un des généraux de l’armée de Soundiata Keita, le fondateur de l’empire du Mali. C’est au début du XIIIe siècle que celui-ci conquit la région qui allait devenir le royaume du Gabou, d’abord vassal de l’empire du Mali. Le Gabou était divisé en plusieurs provinces, toutes dirigées par des Mansa-ba, choisis parmi les dynasties régnantes. L’organisation sociale du Kaabu était très hiérarchisée. Il y avait la noblesse, les hommes libres, les castes et les Captifs.

La noblesse : par le sein et par la barbe

La noblesse comprend deux couches : les nantio et les koring. Les premiers sont les seuls à prétendre au Mansaya, commandement suprême de Kabou. Ils se définissent par le système de matrilinéat et jouissent d’un prestige quasi religieux. Ils ont une origine légendaire. Toutes les traditions orales du Kabou sont unanimes à les rattacher à la princesse légendaire Ballaba qui, réfugiée des années durant dans un trou de porc-épic, donne naissance à trois filles qui auraient épousé les princes des trois provinces, Sâma, Patiana, Djimméra, où leurs descendants seuls ont droit au pouvoir. D’une manière générale, le nantioya se définit par « le ventre ». Seul est nantio le fils d’une femme nantio. Le fils d’un prince nantio n’est pas nantio mais mansaring. Il se définit donc par « la barbe » et est exclu du mansaya. Il peut certes exercer le commandement de tata (forteresse) ou de provinces. Les Koring se définissent par la « barbe », c’est-à-dire qu’ils sont régis par le patrilignage, ce qui les différencie des nantio. Chaque province est régie par son roi (mansa ou farin manso) choisi par voie matrilinéaire chez les nantio et patrilinéaire chez les koring. Baman Dalla, fils de la princesse nantio Dalla Dioni succéda à son oncle, le roi Silati Dioni. Il mourut en 1897. C’est bien donc le ventre qui ennoblit chez les nantio de Kabou.

La terre de femmes

Chez les Kabounké, la succession au pouvoir royal et les titres de noblesse sont définis aussi bien par le « sein que par la barbe ». Le pays de Kabou est « terre de femme »Musu banxo. Le système est ainsi édifié : la princesse, noble, est appelée nantio ou taïba. Elle est nécessairement fille d’une nantio. Son enfant est nantio et peut prétendre au pouvoir royal. Le fils de celui-ci n’est pas nantio si sa mère ne l’est pas. Il est mansading ou mansaring et forme la deuxième catégorie de la noblesse. Celle qui commande les provinces ou les tata. Le fils du mansaring est koring, troisième degré de la noblesse, qui peut prétendre à l’administration des provinces et des villages. Le fils de Koring est tianding (grain d’arachide) dont le fils est tiafata (pellicule d’arachide) qui est un simple homme libre.

Balaba, reine-mère fondatrice du royaume

Les traditions orales du Kabou expliquent le système nantio par des légendes qu’on peut ainsi résumer : le roi de Kabou épousa une jeune fille sauvage du nom de Balaba qui vivait dans une grotte de porc épic et qui ne savait pas parler. Il eut d’elle des enfants, filles et garçons, qui devinrent les nantio. Il établit que seuls les enfants des filles peuvent accéder à la royauté. Les motivations ? Le mariage lui a assuré la victoire sur ses ennemis, disent les uns. Il a déshérité les enfants de sa première femme qui lui a été infidèle, disent les autres. On ne peut rien conclure de ces légendes sinon souligner le caractère quelque peu mystérieux et même mystique de nantio qui jouit d’une grande considération auprès du peuple.

Le sang maternel impérial

Seuls les nantio, descendants par leurs mères de la princesse Balaba, peuvent prétendre au pouvoir impérial dont sont exclues les femmes. Les neveux jouissaient d’une partie de l’héritage de leurs oncles surtout dans les provinces traditionnelles du Kabou, celles du Nord. Toutes les grandes fonctions administratives et militaires étaient ainsi confiées à l’aristocratie nobilaire des Koring, des Mansaring et des nantio, parents du Mansa Ba. Celui-ci accédait au pouvoir par voie matrilinéaire et devait être nécessairement un nantio, c’est-à-dire fils d’une princesse nantio. Il y avait trois provinces nantio qui exerçaient le pouvoir impérial à tour de rôle. C’était Patiana, Sama et le Jummera. En réalité, le nantioya remonte à la princesse Balaba et le matrilignage n’est pas total. L’héritage ne se fait pas d’oncle à neveu mais de frère au frère et de père au fils dans la descendance de la princesse Balaba. La succession n’était pas du pur matrilinéaire, le neveu ne succédant pas nécessairement à son oncle défunt. C’était le plus âgé du clan nantio, qui pouvait être frère ou fils du défunt, qui était intronisé parmi les descendants de la princesse Balaba.