Matriarcat Muskogee (Floride) : clans anarchistes, adoption et exclusion des esclaves noirs

Les Choctaws, les Chickasaws (Chicachas), les Creeks et les Séminoles appartenaient au groupe linguistique des Muskogees. Les anthropologues John R. Swanton et Angie Debo pensent que le terme Muskogee signifiait probablement « marais » ou « terrain humide » dans les idiomes de ces tribus. Le mot anglais creek (petite rivière) s’inscrit de toute évidence dans cette étymologie. Au début du XIXe siècle, le territoire des Choctaws s’étendait entre la rive orientale du fleuve Mississippi et l’ouest de l’Alabama. Leurs trois groupes de villages se situaient respectivement en lisière des rivières Pearl, Tombigbee et Pascagoula. Ils vivaient de la chasse, de la pêche et d’une agriculture artisanale. Aucun chef suprême ne les gouvernait, mais leur Grand Conseil se réunissait quand il devait débattre d’une affaire concernant l’ensemble de la nation. Ce Grand Conseil se composait des chefs (mingos) et des délégués des trois groupes de villages. La société choctaw se scindait en deux classes sociales formées chacune de six à huit clans. L’exogamie y était la règle en raison de la filiation matrilinéaire des individus.

Matriarcat Creek

Descendants de la civilisation des monticules

Les Creeks sont un peuple amérindien qui vivait à l’origine au sud-est des États-Unis, ils font partie des Cinq tribus civilisées. Ils se nomment eux-mêmes les Muscogee ou Muskogee. Cette dernière appellation qu’ils utilisent de nos jours, s’écrit Mvskoke selon l’orthographe traditionnelle. Les Muscogees vivent aujourd’hui principalement en Oklahoma, Alabama, Géorgie et Floride. Leur langue, le Mvskoke, fait partie de la famille des langues muskogéennes. Les Creeks sont probablement des descendants des constructeurs de monticules de la civilisation matriarcale du Mississippi (lire Matriarcat Natchez). Plus une confédération souple qu’une tribu simple, les Muscogees ont vécu dans des villages autonomes de la vallée fluviale des états actuels de la Géorgie et de l’Alabama. Ils étaient composés de nombreux groupes ethniques parlant plusieurs langues distinctes. Ceux qui vivaient le long du fleuve Ocmulgee étaient nommés « Creek » par les commerçants britanniques de la Caroline du Sud ; par la suite le nom a été appliqué à tous les indigènes de la région.

Des confédérations tribales

Les nations Creeks, Choctaw ou les Séminoles par exemple, n’étaient pas des « tribus » mais plutôt des confédérations de villages s’associant pour se protéger mutuellement des tribus ennemies. Ces confédérations pouvaient de fait être composées de plusieurs tribus. La confédération creek, qui s’appelait « Italwa » était composée entre autre de tribus Hitchi, Alabama et Coushatta. Au sein de ces confédérations, chaque ville était une entité autonome qui possédait ses propres terres. L’exogamie y était la règle en raison de la filiation matrilinéaire des individus. Les Creeks étaient organisés en une confédération de 50 « villes ». Au centre de la ville se trouvait une place sur laquelle se dressait un bâtiment pour les affaires communes. Le conseil était présidé par un chef. Chaque maison possédait un jardin, cultivé par les femmes.

Lignage maternel et rôle de l’oncle

Les Creeks étaient matrilinéaires : les enfants appartenaient au clan de leur mère. Si les relations familiales étaient importantes, c’est surtout l’appartenance à un clan (une alliance de familles) qui déterminait un individu. Les clans étaient matrilinéaires, c’est à dire que l’appartenance à un clan se déterminait par la mère. Et au sein d’un clan creek, par exemple, c’était souvent l’oncle maternel (le frère de la mère) qui jouait le rôle de tuteur et de modèle pour un enfant mâle. Les hommes creek dirigeaient les villages, faisaient du troc et participaient aux guerres. Les femmes s’occupaient des enfants et préparaient les repas.

Matrilignage et esclavage

Lors de la guerre de sécession (1861 – 1865), les abolitionnistes étaient interdits de séjour dans la nation Creek. Celle-ci pratiquait l’esclavage depuis des temps immémoriaux et avait emmené tous ses Noirs avec elle. En 1860, la population creek comptait 9,5 % d’esclaves noirs. Une loi creek de 1824 est très révélatrice du statut réservé à ses Noirs: « Si un nègre tue un Indien, il sera exécuté. Si un Indien tue un nègre, il en paiera le prix à son propriétaire ». Cette citation respecte les minuscules et les majuscules attribuées aux mots « nègre » et « indien ». Sous la pression de ses partenaires commerciaux sudistes, le Grand Conseil édicte son premier code sur l’esclavage le 8 mai 1859. Il est néanmoins plus laxiste que ceux du Sud. Si l’enfant issu d’un Noir et d’une Creek peut prétendre à la citoyenneté, l’union d’un Creek et d’une Noire est condamnée. Cette nuance s’explique par la primauté donnée à la filiation matrilinéaire, comme dans la religion hébraïque.

Matriarcat Séminole

Une confédération multi-ethnique

Les Séminoles sont un peuple amérindien d’Amérique du Nord. Ce sont de proches parents des Muscogees et parlent également la langue Creek. Ils sont eux aussi matrilinéaires et avunculaires. Ils résident maintenant en Floride, État dont ils sont originaires, et en Oklahoma. La nation séminole a émergé au XVIIIe siècle ; elle était composée d’Indiens des actuels États de Géorgie, du Mississippi, de l’Alabama, et de Floride, le plus souvent issus de la nation Creek mais aussi d’Afro-américains fuyant l’esclavage de Géorgie.

Quand les Séminoles adoptèrent des esclaves noirs

Les Séminoles noirs (en anglais Black Seminoles) sont des descendants d’esclaves échappés de la partie côtière de la Caroline du Sud et de la Géorgie pour le désert de Floride dès la fin des années 1600. Les esclaves fuyards se sont joints à divers groupes indiens déjà réfugiés en Floride. Ensemble, les deux groupes ont formé la tribu Séminole, une alliance multi-ethnique et bi-raciale. Aujourd’hui, leurs descendants vivent toujours en communautés rurales de l’Oklahoma et du Texas, aux Bahamas ainsi qu’au nord du Mexique. Au XIXe siècle les Séminoles noirs de Floride étaient appelés Séminoles nègres par leurs ennemis blancs américains et Estelusti ou Peuple noir par leurs alliés indiens. De nos jours, les Séminoles noirs sont appelés « Seminole Freedmen » en Oklahoma, « Seminole scouts » au Texas, « Indiens noirs » aux Bahamas, et « Mascogos » au Mexique.

L’héritage des blacks Séminoles

Plusieurs d’entre eux seraient originaires de la Sierra Leone et étaient alors connus sous le nom de Gullahs. On leur doit la culture du riz, dont ils connaissaient le secret (les États-Unis sont actuellement le onzième pays producteur de riz, ce qui n’est pas rien). Ils auraient conservé de leurs coutumes africaines: éléments de langue, musique, gastronomie, artisanat, etc. Ils adoptèrent des Séminoles les vêtements et autres rites, si bien que les unions matrimoniales aidant, ils finirent presque par former un peuple mixte.

Matriarcat Choctaw

Le mari, un étranger à la famille

La religion Choctaw enseigne les que les femmes sont la source de la vie parce qu’elles portent les enfants et sont responsables de la culture des légumes. Lorsque un homme épouse une femme, il devient membre de sa famille et vit avec elle à partir de ce moment. Il n’est jamais vraiment considéré comme un membre réel de la famille, parce qu’il continue d’être un membre de la famille de sa propre mère. Pourtant, il séjourne avec la famille de son épouse et travaille avec eux. Les hommes sont considérés comme des preneurs de la vie parce qu’ils chassent et tuent la nourriture que la tribu mange.

Quand des indiens Choctaw sauvèrent des affamés irlandais

En 1847, au milieu de la période de la famine irlandaise, un groupe de Choctaws a rassemblé 710 dollars et les a envoyés en Irlande pour aider les hommes, les femmes et les enfants irlandais qui mouraient de faim. Juste 16 ans auparavant, le peuple Choctaw avait éprouvé  »the Trail of tears » (épisode d’exode forcé) et avait lui-même fait face à la famine. C’était un geste extraordinaire. Cette somme pourrait représenter aujourd’hui un million de dollars, selon Judy Allen, rédactrice au journal de la Nation Choctaw d’Oklahoma, Bishinik de Durant. Pour marquer le 150 ème anniversaire de ce geste de solidarité, huit Irlandais ont refait le parcours de cet exode forcé.