Les Selk’Nam (Terre de Feu) : une société patriarcale qui garde le souvenir mythique de l’ère matriarcale

Un peuple sans chef

Les Selk’Nam, une tribu de chasseurs-cueilleurs qui vivait dans la Terre de Feu, disparue depuis le milieu du XXe siècle, et possédait une religion à initiation ouverte aux seuls adultes masculins. Ceux-ci se grimaient afin d’incarner des esprits qui, lors de cérémonies, venaient terroriser femmes et enfants. À un marin britannique qui s’étonnait que les Selk’Nam ne connaissent aucune espèce de chefs, l’un d’eux, qui parlait quelques mots d’anglais, répondit : « Nous sommes tous des capitaines. » Avant d’ajouter : « Et nos femmes sont toutes des matelots. »

Renversement de l’ancien matriarcat

Le mythe fondateur des Selk’nam était édifiant : il racontait que, jadis, c’étaient les femmes qui dirigeaient la société et qu’un jour leur domination fut renversée par un soulèvement des hommes. Ceux-ci les assassinèrent toutes, épargnant seulement les nourrissons, et fondèrent une religion qui les tiendrait pour toujours dans la subordination. Les choses sont néanmoins pleines de subtilités.

L’amour violent

L’infériorité sociale des femmes Selk’nam, proclamée et revendiquée par les hommes, le fait qu’elles puissent légitimement être battues ou percées de flèches en cas d’infidélité ou de fuite, n’impliquait nullement que le comportement de la femme idéale fût celui d’une épouse en tout point soumise. Pour être réussie, la nuit de noces se devait même d’être mouvementée : « Il n’était pas considéré comme convenable pour une nouvelle épouse, qu’il s’agisse d’une jeune fille ou d’une femme mûre, de se donner à trop bon compte. Au contraire, elle déclenchait souvent une bonne bagarre et, à sa prochaine apparition, le marié pouvait arborer un visage gravement écorché, voire éventuellement un œil au beurre noir. Je me souviens d’un homme qui m’avait demandé de soigner une très mauvaise morsure qui lui avait été infligée à l’avant-bras par son épouse, une femme forte et déterminée, d’une grande expérience. »