Mythologie matriarcale finlandaise : la déesse-mère des lapons face aux nouveaux dieux-pères aryens

La religion finnoise antique (en finnois : suomalainen pakanuus, paganisme finnois) constitue l’ensemble des croyances religieuses Antiques de Finlande et de Carélie avant leur christianisation. La religion des anciens finnois est très similaire aux religions alentours, comme les religions germaniques, norrois et baltiques. Il possède cependant des différences, liées aux cultures fino-ougriennes et balto-finnoises de la région. Il s’est construit par rajouts au cours du temps, et inclut des aspects de l’âge de pierre européen aussi bien que des croyances Proto-Indo-Européennes plus tardives.

Chasse aux sorcières hyperboréennes

Le comté de Finnmark (Finnmark fylke en norvégien, Finnmárkku fylka en same,Finnmarks fylke en suédois, Finnmarkin lääni en finnois et Финмарк ou финская пограничная область en russe) est un comté norvégien situé à l’extrême nord du pays. Le Finnmark est une partie du Sámeeana, lequel s’étend sur les trois pays voisins : la Finlande, la Suède et la Russie. Au xviie siècle, 88 jeunes femmes ont été brûlées comme sorcières, un chiffre extrêmement élevé au regard de la population du lieu.

Les animaux totems, des mères ancestrales

Des divinités incarnaient des esprits de la nature, qui contrôlaient divers aspects de l’environnement et des éléments. Des chasses amenant beaucoup de gibier, un temps plus agréable, une pêche miraculeuse étaient le genre de requêtes faites à ces esprits au travers de sacrifices. Les emuus, mères ancestrales de nombreuses espèces, aidait à la chasse.

La déesse-mère qui procrée sans père

Ilmatar est la déesse primordiale vierge de la mythologie finnoise, associée à l’air. En effet, ilma veut dire l’air et le suffixe -tar désigne une être féminin ou la fille, faisant d’Ilmatar la « fille de l’air ». Elle a été comparée à la Vierge Marie.

Fécondée par les vagues et le vent

Elle est la mère de Väinämöinen, le héros principal de l’épopée Kalevala. On apprend dans le chant I du poème qu’Ilmatar, lassée de sa solitude, décide de s’allonger dans la mer et d’être ainsi fécondée par les vagues et le vent.

L’œuf de la déesse à la création du monde

Seulement elle demeure enceinte de Väinämöinen pendant 700 ans. Éprise de douleur, elle prie le dieu-père Ukko de l’aider à s’en délivrer. Vient un canard qui fait son nid sur le genou d’Ilmatar qui dépasse de la mer, et pond six œufs d’or et un septième de fer. En couvant les œufs il brûle le genou de la vierge qui le secoue et fait disparaître les œufs dans les vagues et ils se cassent. Les différentes parties des œufs cassés forment la terre, le soleil, la lune, les nuages, le ciel, etc.

«Il était dans l’air une vierge, la superbe Luonnotar; très longtemps elle resta pure. Elle finit par s’ennuyer de rester toujours solitaire au fond des vastes cours de l’air. Elle se posa sur les grandes vagues, le vent ballota la vierge. Pendant sept cents années, mère des eaux la vierge erra, nagea vers le midi, le nord, vers tous les horizons. Vint un vent violent qui couvrit d’écume la mer.

– Oh comme ma vie est pitoyable! Oh Ukko, père des dieux, viens à moi quand je t’appelle! Vint une cane, un bel oiseau volant d’horizon en horizon, cherchant un endroit pour faire son nid.

– Non, non, non! Mettrai-je mon nid sur le vent ou sur les vagues? Le vent le renversera et les vagues l’engloutirons.

Alors la mère des eaux, la superbe vierge de l’air, sortit son genou de la mer; et sur celui-ci la cane fit son nid et entreprit de couver ses œufs. Ressentant une chaleur ardente, la vierge agita sa jambe, le nid tomba à l’eau et se brisa en miettes. De ces morceaux apparut alors la beauté. Le haut de la coque des œufs devint le ciel sublime, le blanc, la lune et le reste devint les étoiles du firmament.»

Le premier homme, dont le père est la mer

Ilmatar passe plusieurs centaines d’années à flotter dans les eaux admirant le résultat de ces œufs brisés jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus résister à l’urgence de se développer pour continuer la création. Dix années s’écoulent et Ilmatar entreprend le modelage du monde, créant avec son corps les différents reliefs. Ses traces de pas deviennent des piscines pour les poissons et par un simple geste elle crée les contours des pays. De cette façon elle a créé tout ce qui existe. Puis un jour elle donne naissance à Väinämöinen, le premier homme dont le père est la mer.

La nouvelle guerre pour les femmes

Bien plus tard, son fils Väinämöinen est rempli de chagrin ayant perdu sa promise, la belle Aïno, et Ilmatar entendant ses pleurs lui conseille pour guérir sa peine d’aller chercher une vierge à Pohjola, où les filles sont plus jolies…

Un merlin l’enchanteur finnois

Dans la mythologie finno-carélienne Väinämöinen est le fils d’Ilmatar, la divinité de l’air qui l’a porté durant de nombreuses années en flottant sur la mer avant d’enfanter. Väinämöinen est le personnage principal de la poésie et de l’épopée finnoise et carélienne, le Kalevala. Son nom vient de finnois : väinämö, signifiant Ménestrel. Il est décrit comme un vieil homme sage doté d’une voix magique. Ainsi que d’autres auteurs, Agricola présente Väinämöinen comme étant le dieu des chants et de la poésie. Dans de nombreux récits populaires Väinämöinen est un personnage central du mythe de la naissance du monde à partir du chaos et de l’œuf cosmique.

Le nouveau dieu-père aryen détrône l’ancien dieu-serpent géniteur préhistorique

Ukko Ylijumala (Ukko signifie « vieillard », « pieu »; Ylijumala signifie « Dieu du dessus », c’est-à-dire « Dieu du ciel » ou « Dieu des Dieux ») est le dieu suprême dans la mythologie finnoise. Ukko Ylijumala (« vieil homme ») est le dieu du ciel, de l’orage et de la guerre. Ukko est l’équivalent d’Odin dans la mythologie scandinave. Ukko est l’époux d’Akka la déesse de la fertilité. Dans les cavernes finlandaises, on trouve une figuration du tonnerre qui se trouve être un serpent-éclair, le symbole d’Ukko.

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La déesse-mère chamanique des lapons

Akka (en langue saami : Áhkká) est un esprit féminin du chamanisme saami, présent également dans la mythologie finnoise. Le culte d’Akka était très généralisé et célébré sous forme de sacrifices, d’incantations et autres rituels. Certains Saamis croyaient qu’Akka vivait sous leur tente. Dans la mythologie finnoise Akka est l’épouse de Ukko et est la déesse de la fertilité. Elle est identifiée à la partie féminine de la nature, Maaemonen la mère Terre, fertilisée par Ukko.

Maderakka, appelée également Máttaráhkká est la première Akka, la déesse primordiale, la créatrice du corps humain, la déesse des femmes et des enfants. Les femmes et les enfants lui appartiennent (les garçons jusqu’à leur puberté). Le nom, remontant à la mythologie saami, réfère à la déesse de la sagesse et de la beauté, ce qui explique qu’ akka a pu être utilisé en langue saami pour désigner « grand-mère » ou « femme sage ». Maderakka est populaire parmi les féministes Saami. Jabme-Akka (l’Akka de la mort) est la déesse du monde souterrain. Elle apaise et rassure les âmes des enfants disparus.

Les 3 filles de la déesse

  • Sáráhkká, appelée également Sarakka, est la déesse de la fertilité, de la grossesse et de la naissance. Elle assure la protection du fœtus. Une association saami féministe créée en 1988 porte le nom The Sarahkka en son honneur.
  • Juokshkká, appelée également Juksakka, dont le nom signifie l’Akka à la flèche est la déesse protectrice des enfants.
  • Uksáhkká, dont le nom signifie femme de la porte, est la déesse protégeant la maisonnée. C’est elle qui façonne le fœtus dans le ventre de la mère et détermine le sexe de l’enfant.

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Laponie, ancienne terre matriarcale

Pohjola est un lieu mythique dans la mythologie finnoise. Étymologiquement, le mot est dérivé de Pohja, le Nord et fait référence à l’ensemble des régions polaires. Dans le Kalevala, le Pohjola est le pays des Saami (lapons). Le Pohjola peut également être considéré comme un lieu purement mythique, la source du mal. Le froid et les maladies viendraient de ce Pohjola. Selon la mythologie finlandaise, les fondations du monde — les racines de l’arbre du monde — se trouvent dans le pays Pohjola. Dans la mythologie, Louhi, une puissante sorcière règne sur le Pohjola.

La reine des neiges

Louhi a dans la mythologie finlandaise la double fonction de sorcière des glaces et de reine d’un pays connu sous le nom de Pohjola. Elle est décrite comme une sorcière puissante ayant la possibilité de changer de forme à son bon vouloir ainsi que la faculté d’exécuter de puissants enchantements. Elle est également la principale adversaire de Väinämöinen et de ses comparses dans lutte pour la possession du Sampo.

Louhi avait également la capacité d’enfermer la lune et le soleil dans une caverne ainsi que d’envoyer le froid sur un pays entier. Elle se servit de son don de se transformer à souhait, pour se métamorphoser fréquemment en griffon. Ce fut sous cette forme qu’elle attaqua le bateau qui emportait le Sampo.

Ces épouses qui ne veulent pas quitter leur mère-terre

Dans le Kalevala, elle a aussi bon nombre de filles magnifiques, qu’Ilmarinen, Lemminkäinen et autres héros essayent de conquérir dans diverses légendes. Les tâches à accomplir pour ce faire étaient si ardues que finalement peu arrivaient à les accomplir, et le cas échéant, elle intervenait elle-même pour faire échouer leur projet. Seul Ilmarinenaura su combler ses attentes, sans pour autant conquérir une fille de Louhi, cette dernière refusant de quitter son pays d’origine. Väinämöinen et Ilmarinen furent les seuls à l’avoir tenue en défaut.

La sorcière matriarche anti-mariage

Des personnages du Kalevala cherchent à obtenir la main de la fille de Pohjola. Louhi leur demande de réaliser des miracles comme forger le mystérieux Sampo de prospérité. Väinämöinen est le personnage principal des récits concernant le Sampo, objet rappelant une fabrique miraculeuse qui crée céréale, sel et or. Väinämöinen part à Pohjola pour y épouser la fille de Pohjola. La maîtresse de Pohjola impose au prétendant qu’il forge le Sampo. Väinämöinen n’y parvient pas et il repart déçu. Cependant, il envoie le forgeron Ilmarinen forger le Sampo de Pohjola. Toutefois la maîtresse de Pohjola ne donne pas sa fille à Ilmarinen, mais lui impose de réaliser de nouvelles tâches. Quand il a réalisé toutes les tâches, la fille de Pohjola lui est donnée comme épouse. Celle-ci est tuée et dans sa douleur Imarinen part à Pohjola épouser la seconde fille de Louhi.

Le secret de l’agriculture de la déesse-mère

Dans la mythologie finnoise, le sampo (corne d’abondance ?) est un objet magique souvent associé à Pohjola et qui assure la fortune à son propriétaire. Ayant remarqué combien le peuple de Pohjola est heureux grâce au Sampo, il se fâche et le raconte à Väinämöinen et à Lemminkäinen. Ces derniers se fâchent à leur tour et partent vers Pohjola avec une armée pour y dérober le Sampo. Le Sampo est volé, mais sur le chemin du retour, la maîtresse de Pohjola attaque et dans les combats le Sampo est détruit. Des morceaux du Sampo échouent sur une plage et développent l’agriculture.

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La sorcière qui ne voulait pas donner ses filles ni son agriculture

Après avoir perdu une joute oratoire, Joukahainen promet à Väinämöinen sa sœur Aino pour épouse. Cependant Aino fuit les avances du vieil homme et se noie. Väinämöinen voyage en Pohjola, avec l’intention d’y épouser l’une des filles de la souveraine Louhi. Väinämöinen promet à Louhi qu’Ilmarinen lui forgera le Sampo. En récompense, on lui promet la main d’une fille de Pohjola. Après son retour, Väinämöinen invoque Ilmarinen, qui forge le Sampo. Mais il ne reçoit pas en échange la jeune fille promise.

Animal-totem plutôt qu’un mariage forcé

Aïno est un personnage de l’épopée nationale finlandaise le Kalevala. D’une grande beauté, elle est promise au héros principal Väinämöinen par son frère Joukahainen. En effet, les deux magiciens entament un combat de chants, et lorsque Joukahainen se fait coincer dans un marais par l’enchantement de Väinämöinen, il lui promet la main de sa sœur en échange de sa vie. Alors que la mère d’Aïno est heureuse que sa fille épouse un tel homme, la jeune Aïno est désespérée de devoir s’occuper d’un vieillard pour le reste de sa vie. Elle se suicide en se noyant, préférant devenir un esprit de l’eau. En pêchant, Väinämöinen la rencontre une dernière fois sous la forme d’un saumon et celle-ci se moque de lui avant de disparaitre à jamais, au grand désarroi du héros.

Une expédition guerrière pour piller la déesse

Väinämöinen commence la construction d’un navire, pour se rendre jusqu’en Pohjola. Pour ce faire, il doit obtenir des formules magiques, qu’il part en vain chercher à Tuonela, le pays des morts. Il découvre finalement ces formules dans le ventre d’un géant mort : le magicien Antero Vipunen. Ilmarinen est mis au courant par sa sœur Annikki des plans de Väinämöinen, et part également pour Pohjola. La vierge de Pohjola choisit Ilmarinen et l’épouse.

La fiancée de la mort

ISIS et OSIRIS, mère et fils ? Scène du Kalevala, poème épique finnois. Le guerrier Lemminkainen a été tué, son corps déchiqueté et jeté dans la rivière qui mène à Tuonela. Sa mère, ayant retrouvé et assemblé les morceaux, attend une abeille apportant le miel du palais d’Ukko Ylijumala, onguent miraculeux qui rendrait la vie à son fils. Lire Notre Dame Isis, la déesse-mère alchimique secrète, de la Gaule romane à la franc-maçonnerie

Tuonela est le royaume des morts ou l’Au-delà de la mythologie finlandaise. Tuonela, Tuoni, Manala et Mana sont ses synonymes. Tuonela est surtout connu par sa mention dans l’épopée nationale finlandaise Kalevala, dans le seizième chant de laquelle, Väinämöinen, un chaman héros, y voyage pour apprendre les secrets de la mort. En chemin, il rencontre le passeur, une femme, Tuonen tytti ou Tuonen piika (La fiancée de la mort), qui lui fait traverser le Tuoni. Sur l’île de Tuoni, cependant, il ne parvient pas à trouver ce qu’il cherchait, et échappe de peu à la mort. Par la suite, il fait tout pour empêcher d’autres vivants d’aller sur l’île.

La harpie poursuit les voleurs

Väinämöinen, Ilmarinen et Lemminkäinen voyagent à Pohjola dans le but de voler le Sampo. Väinämöinen et ses compagnons fuient en emportant le Sampo. Une fois réveillé, Louhi se transforme en un aigle gigantesque et se lance avec son armée à la poursuite des voleurs. Le Sampo est brisé durant le combat : une partie sombre au fond des mers, l’autre est rejetée sur les rivages, apportant la prospérité à la Finlande, l’agriculture. Louhi envoie maladies et fléaux ravager Kalevala. Elle cache les étoiles et dérobe le feu, que Väinämöinen et Ilmarinen parviennent à récupérer.

Procréer sans père, un nouveau crime mortel

Dans le chant dernier du Kalevala, qui fait écho au Nouveau Testament, la vierge Marjatta est fécondée par une airelle. Väinämöinen condamne à mort cet enfant sans père. Mais l’enfant lui échappe et est couronné roi de Carélie. Väinämöinen part en voyage avec son bateau. L’épopée s’achève sur les paroles du poète. Selon certains analystes, les événements finaux du Kalevala décrivent l’abandon des Dieux païens à l’arrivée du christianisme.