Australie : le Serpent-Arc-en-ciel, compagnon de la déesse-mère, dieu de la pluie et de la fertilité

La majorité des sociétés aborigènes sont très patriarcales, et ce, depuis bien avant l’arrivée des colons blancs et des missionnaires chrétiens. Cependant, leur mythologie, et de nombreux vestiges coutumiers témoignent d’une ère matriarcale encore inscrite dans leur mémoire collective. Le patriarcat est très récent en Australie et les régions avoisinantes. Beaucoup de peuples alentours sont aujourd’hui en transition du matriarcat vers le patriarcat; mais le nord du continent austral, la Terre d’Arnhem, reste une terre de prédilection qui a conservé de nombreux mythes matriarcaux :

Le serpent fertile de la pluie

En Australie, le peuple aborigène vénère un énorme python appelé Serpent-Arc-en-ciel. On dit qu’il a créé la Terre, incarne l’esprit des sources, et punit les hors-la-loi. Les aborigènes du sud-ouest de l’Australie appellent ce serpent le « Wagyl », tandis que les Warramunga de la côte est vénèrent le mythique Wollunqua, le dieu-serpent de la pluie et de la fertilité, qui émergea d’un trou d’eau dans les montagnes Murschison. On dit qu’il mesure plusieurs miles de long. Ungud est un dieu-serpent tantôt mâle, tantôt femelle, associé lui aussi aux arcs-en-ciel et à la fertilité, permet l’initiation des chamanes des tribus. Appelé aussi Ngalyod, il est le premier enfant de Yingarna, la Déesse-Mère. Ngalyod est lui aussi un serpent-dragon qui  fait naître des sources et est lié à la production de la pluie. Il est donc le symbole de la fertilité. Mais, il est également responsable des tempêtes et des inondations. Sa colère se manifeste quand l’homme viole les lois de la nature.

Le serpent-vagin cracheur de sang

Les plus anciennes peintures rupestres du Serpent-Arc-en-ciel ont plus de 6000 ans. Du faite de sa connexion avec la fertilité, le dieu-serpent est souvent illustré par un vagin, et vice-versa. Certaines peintures représentent le grand serpent bouche ouverte la langue tendue, pour symboliser l’ouverture du vagin, et le flot du sang menstruel. Le dieu-serpent est aussi un guérisseur, et peut transmettre ses pouvoirs de guérison aux humains à travers des rituels. Dans la terre d’Arnhem, Julunggul est une déesse serpent arc-en-ciel qui supervise la maturité et l’initiation des jeunes garçons lors du passage de l’enfance à l’âge adulte. Il s’agissait d’une déesse de la fertilité associée avec la renaissance et la météo. Elle est également connue sous le nom de Kalseru.

La mère de l’Humanité

Kunapipi est la déesse-mère des tribus aborigènes du nord de l’Australie, et la divinité patronne de nombreux héros. Elle donna naissance à l’humanité ainsi qu’aux plantes et aux animaux. Le Serpent-Arc-en-ciel viet avant elle pour préparer le terrain. L’avènement du patriarcat l’a diabolisé sous la forme du ogresse mangeuse d’hommes. C’est le dieu-aigle Bunjil qui ouvrit son ventre pour libérer ses victimes.

Excision des sœurs primordiales : l’avènement du patriarcat

Il existe de nombreux anciens rituels associés au Serpent-Arc-en-ciel qui sont toujours pratiqués aujourd’hui. Le mythe des sœurs Wawalag marque l’importance du sang menstruel. Ce rituel de la déesse-mère Kunapipi reconstitue l’épisode où le Serpent-Arc-en-ciel avale les sœurs Wawalag, à travers des danses et des pantomimes, qui constituent ainsi un rituel de fertilité. Dans ce rituel, le temps menstruel est conceptualisé comme un arc-en-ciel, ou comme un serpent. Toute la mythologie de la Terre d’Arnhem est organisée en fonction de deux sœurs qui sont décrites comme les« Mères primordiales », créatrices de toutes choses, qui engendrèrent toutes les espèces animales ainsi que l’ensemble de l’humanité. Ce mythe valorise les femmes, à l’inverse des mythologies du centre du continent où tous les héros mythiques sont masculins. On connaît des représentations peintes de ces deux sœurs primordiales, on décrit sur certains rochers les traces laissées par leurs longs clitoris qui pendaient jusqu’à terre et on sait qu’avaient lieu de très importantes cérémonies religieuses pour commémorer leurs exploits et leurs différentes aventures dont elles ont été les héroïnes. Le cycle mythique relatif aux deux sœurs primordiales de la Terre Arnhem raconte comment à un moment elles durent abandonner les objets sacrés aux hommes qui s’empresseront quelque temps après de raccourcir leur clitoris (excision ?) pour les ramener à leur longueur actuelle. Depuis, les femmes qui touchent ou se permettent de voir ces objets sacrés sont condamnées à mort.

Culte des menstrues, pouvoir de la vie, et circoncision

Le menstrues féminines sont sacrées pour de nombreuses cultures australiennes, parce qu’elles marquent la période où la femme est capable de donner la vie, l’élevant ainsi au même niveau de pouvoirs créatifs que le dieu-serpent. C’est pour ces raisons que les hommes tentent d’imiter ce processus sacré, en se saignant les bras ou le pénis, et en répandant leur sang sur leur propre corps, le corps des autres, et parfois même dans l’utérus de la femme. Parfois, les hommes mélangent leur sang avec celui du sang menstruel, pour les faire couler ensemble dans une cérémonie d’unification des sexes.

Le soleil créateur est une femme

De nombreux autres mythes témoignent du haut statut qu’ont eut autrefois les femmes aborigènes lors de l’ère matriarcale. Dans la mythologie aborigène, Wala est la déesse du soleil qui vécut avec sa sœur, Bara, et sa belle-sœur, Madalait. Bara l’accompagnait dans sa course solaire tous les jours, mais Wala se rendit compte qu’elle chauffait trop la Terre et lui demanda d’arrêter. Yhi est la déesse de la lumière et de la création ; elle représente également le soleil. Elle aussi créa l’humanité, la faune et la flore.

Dans la mythologie aborigène, Gnowee est une déesse solaire qui vivait déjà sur la Terre avant qu’il n’y ait un soleil. La légende raconte que le bébé de Gnowee s’éloigna alors qu’elle récoltait des yams, et lorsqu’elle partit à sa recherche, elle emporta avec elle une grande torche. Elle la porte encore, et sa torche est le soleil.

Dans la mythologie aborigène, Wuriupranili est une déesse solaire qui porte la torche qu’est le soleil. Le soir, elle plonge sa torche dans l’océan à l’ouest, puis se sert de ses braises pour trouver son chemin en dessous de la terre, et émerger de l’océan au petit matin, à l’est. La légende dit que les couleurs du crépuscule et de l’aube proviennent de la peinture ocre recouvrant le corps de Wuriupranili.