Origine de la prostitution/vénalité : conséquences de la paternité, du mariage et de la vie en couple

PROXÉNÈTE : Du latin proxeneta (« courtier, entremetteur, proxénète »). Ce mot désigne au départ un entremetteur dans une affaire commerciale. À partir de la fin du XVIIe siècle, le sens se spécialise dans l’entremise des mariages et rendez-vous galants.

Origine de la prostitution : les conséquences du droit paternel

La prostitution est le corollaire du mariage. « Morale et débauche sont la face et le revers de la même médaille ». La prostitution n’est pas le plus vieux métier du monde, mais est né en même temps que le mariage. Le sexe hors mariage étant interdit, la sexualité étant soumise aux contraintes de la paternité, l’institution du mariage provoque une raréfaction de la sexualité, propice au développement d’une contrebande du sexe. La prostitution est la seule sexualité hors mariage tolérée, car l’acte sexuel est financièrement dédommagé en cas d’enfant sans père. Détruire la prostitution détruirait le mariage. Et détruire le mariage détruirait la prostitution. La prostitution est la soupape de sécurité du mariage. Si la femme devient prostituée sacrée (mariage), ou profane (bordel), l’homme lui devient consommateur, à condition qu’il en ai les moyens. Plus l’épouse est belle, et plus la dot coûte cher : frime pour affirmer son niveau social (voiture, bijoux, vêtements…), sorties, restaurant, hôtel, logement, entretien de la femme et de ses enfants… 

Mariage et prostitution sont les 2 faces de la médaille du monde bourgeois

« Le mariage représente l’un des côtés de la vie sexuelle du monde bourgeois, la prostitution en représente l’autre. Le premier est la face de la médaille, la seconde en est le revers. Quand l’homme ne trouve pas sa satisfaction dans le mariage, il a le plus souvent recours à la prostitution (…) qu’il s’agisse de ceux qui, de gré ou de force, vivent dans le célibat, ou de ceux auxquels le mariage ne donne pas ce qu’ils en attendaient, les circonstances leur sont infiniment plus favorables pour les aider à satisfaire leur instinct sexuel que pour les femmes. »Alexandra Kollontaï – Les problèmes de la prostitution – 1909

Beauté contre richesse

David Buss, né le 14 avril 1953, est professeur de psychologie évolutionniste à l’université du Texas à Austin. Ses recherches sont consacrées au désir et aux choix amoureux. Il a publié une étude en 1989 sur les préférences sexuelles auprès de 37 cultures humaines. D’une façon générale, ses études montrent que les femmes accordent plus d’importance au statut social de leur partenaire masculin, tandis que les hommes se focalisent davantage sur les caractéristiques reproductrices des femmes (âge et la beauté physique).

La vénalité des femmes : quand la femme dépend de son amant

Dans la famille conjugale, la sécurité de la mère et de ses enfants dépend de leur géniteur (père). Elle ne peut plus compter sur la protection de sa famille maternelle (matriarcat). Dans le patriarcat libéralisé (mariage consentant), la future mère a tout intérêt à choisir le géniteur le plus protecteur, et donc le plus riche, donc plus vieux. En temps de prospérité, l’écart d’âge diminue. En temps de crise, l’écart d’âge augmente. Pour trouver le bon père protecteur, elles échangent leur sexe, leur jeunesse et leur beauté contre de la sécurité.

La paternité : une contrainte qui raréfie le sexe

L’idéologie du couple et de la famille nucléaire nécessitent de disposer d’un local privatif pour avoir des relations sexuelles : maison, appartement, hôtel… La drague et la séduction coûtent cher (restaurants, cadeaux…), et la femme exige une certaine sécurité matérielle de son partenaire. Par la contrainte de la paternité, la sexualité étant rare et difficile d’accès pour les hommes, elles marchandent leur corps pour obtenir d’eux de nombreux avantages (cadeaux en tout genre), les enchères entre mâles montent. La beauté physique est donc un ascenseur social essentiel des femmes. Les femmes ne disposant pas d’atouts de charme sont obligées de se valoriser socialement par des compétences (études supérieures).

Lire : La prostitution mondaine, une valeur éducative du patriarcat traditionnel avant le mariage

La prostitution grecque : la femme vaut moins qu’un esclave

Prostituée grecqueDans la Grèce antique, le législateur Solon (VIIe avant JC) instaura des bordels d’état à bas prix, afin de prévenir l’adultère, source d’instabilité sociale pour la société patriarcale. Dans la Grèce classique, la prostitution était l’une des économies principales, et presque le seul moyen pour les femmes de manipuler de l’argent. La femme a moins de droits qu’un esclave, qui lui peut acheter sa liberté. L’esclavage et la guerre perpétuelle sont les deux autres piliers de l’économie grecque. Dans la société des  »inventeurs de la démocratie », seuls les citoyens (non-esclaves) mâles ont le droit de voter.

Épouses, concubines et courtisanes au service du Père

À Athènes, seules les épouses légitimes peuvent donner naissance à des citoyens : garantir leur chasteté, et plus particulièrement prévenir toute relation extra-maritale pour ces femmes est donc une préoccupation essentielle, non seulement pour leur famille, mais pour la cité tout entière. Ainsi, séduire l’épouse d’un autre est un crime très grave, car cela peut induire le doute sur l’ascendance des enfants nés de cette femme. En dépit de cette interdiction formelle, il est moralement acceptable pour un homme de s’engager dans des relations sexuelles avec des concubines, des prostitués, des étrangers ou des esclaves, seule l’épouse est contrainte à la fidélité absolue.

Au IVsiècle av. J.-C. le pseudo-Démosthène proclamait devant les citoyens assemblés en tribunal :

«  Nous avons les courtisanes en vue du plaisir, les concubines pour nous fournir les soins journaliers, les épouses pour qu’elles donnent des enfants légitimes et soient les gardiennes fidèles de notre intérieur ».

Une éternelle mineure

Vieille prostituée serrant contre elle sa jarre de vin, iie siècle av. J.‑C., Glyptothèque de MunichLa femme est totalement exclue de la démocratie Grecque. Son nom est rarement gravé sur sa propre pierre tombale. Dès l’époque archaïque, les lois régissant la sexualité étaient très dures. Les relations hors mariages avec des femmes libres étaient sévèrement réprimées. En cas d’adultère, le mari trompé pouvait tuer l’amant pris en flagrant délit. Enfin, l’âge légal du mariage était de 30 ans. Une indifférence complète existe entre les époux. Le mariage n’est jamais apparu aux grecs comme une condition de bonheur, inspiré par l’amour, même réduit à l’attirance physique.

L’émancipation par le commerce du corps

Le seul moyen pour les jeunes grecs pour avoir des relations sexuelles hors mariage était de se tourner vers des prostituées, des hommes, ou leurs propres esclaves. La prostitution des femmes (mais aussi des hommes et des enfants) était donc une activité très florissante, qui employait une part non négligeable de la population et contribuait pour une bonne partie à l’activité économique de la Grèce antique. La prostitution était le seul « travail » qui permettait aux femmes de pouvoir manier l’argent, et donc d’augmenter leur relative autonomie. A Pompéi, des quartiers entiers sont consacrés à la prostitution, mais les thermes étaient strictement non mixtes ! Tandis que la mère de famille était rabaissée au rang d’esclave, la prostituée, l’hétaïre était déifiée.

La prostitution sacrée : une religion lucrative

Acrocorinthe, bordel dédié à AphroditeHiérodule (Grèce ancienne et Anatolie) étaient les esclaves prostituées du temple dédiée à un dieu ou une déesse. Les esclaves sexuels étaient parfois sacrifiés. Les prêtresses d’Ishtar en Mésopotamie étaient des hiérodules. À Corinthe, la hiérodule est la courtisane sacrée attachée au temple d’Aphrodite. En Grèce, à l’époque romaine, Strabon témoigne que l’Acrocorinthe héberge plus d’un millier d’esclaves du temple (ἱεροσοὐλος / hierodoulos), prostituées (ἑταίρας / hetairas), vouées par des citoyens à la déesse, source des richesses de la ville. Selon Strabon, qui écrit aux débuts de l’ère chrétienne: « le temple d’Aphrodite à Corinthe était si riche, qu’il possédait à titre de hiérodules ou d’esclaves sacrés plus de mille courtisanes, vouées au culte de la déesse par des donateurs de l’un et de l’autre sexe ». C’est, selon lui, l’origine du proverbe « il n’est pas donné à n’importe qui d’aller à Corinthe », qui met l’accent à la fois sur le caractère agréable du séjour là-bas, mais aussi sur son coût.

L’accomplissement spirituel par l’esclavage sexuel

Les fidèles qui recherchaient l’accomplissement spirituel se rendaient au Temple, où ils s’accouplaient avec les prêtresses — ou hiérodules — pour expérimenter le divin à travers l’union charnelle. Associée à des rituels de fertilité, pratiquée à Babylone, en Inde, et dans tout le monde antique, on pourrait croire que la prostitution sacrée honore la femme. Il n’en est rien. Les patriciens ont pour habitude de spolier les cultes matriarcaux et de les dégénérer. Il s’agit là de jeunes filles esclaves, le plus souvent vendues aux temples-bordels par des familles miséreuses. Non seulement les pauvresses ne sont pas consentantes, mais leurs services sexuels coûtent cher, et l’argent est empoché par les prêtres-proxénètes.

Trafic d’enfants par l’empire romain

Très tôt, dès le iie siècle av. J.-C., ils sont inscrits sur un registre spécial et doivent être munis d’une licence d’exercice. Civilement, ils sont frappés d’indignité. Leur condition varie, des plus miséreuses, esclaves, aux courtisans et courtisanes de luxe dont les services se monnaient très cher. Leur cheptel est renouvelé par le trafic d’esclaves alimenté par les guerres et la piraterie : à Délos, 10 000 esclaves sont vendus chaque jour, et dans l’empire ce sont des dizaines de milliers d’enfants et d’adolescents qui approvisionnent chaque année ce marché du plaisir.

La traite des blanches : le marché du sexe en terres islamiques

La traite des Blanches est un trafic de femmes concernant les femmes d’origine européenne ou autres (femmes « blanches »). Il correspond à un esclavage sexuelet connaît trois acceptions. La traite des blanches dans la Rome antique n’est ainsi pas distincte de l’esclavage sous la Rome des Empereurs. La traite des esclaves blanches est essentiellement liée à la culture du harem, celle de l’ère ottomane en particulier.

Les esclaves européennes proviennent de rafles lors d’expéditions en Europe, essentiellement des pays bordant la Méditerranée, des territoires sous domination ottomane et des pays voisins de ces territoires, mais aussi du Royaume-Uni et parfois d’Europe du Sud. Elles étaient ensuite exposées sur des marchés, excisées, puis achetés par les trafiquants dans de lointains pays, même très loin des terres d’islam. La plupart de temps, c’étaient des sultans qui approvisionnaient leurs harems en esclaves. Sinon, les esclaves finissaient dans les mines de sel ou dans les champs de canne à sucre.

Au Xe siècle, le Perse Ibn al-Faqih (en) écrit : « De la mer occidentale, arrivent en Orient les esclaves hommes, Romains, Francs, Lombards et les femmes romaines et andalouses ».Du temps de l’Empire ottoman, les femmes très blanches, principalement des Circassiennes, étaient très appréciées. Le mouvement orientaliste a repris ce thème en peinture au XIXe siècle en portraitisant des femmes Circassiennes au harem.

Les maisons closes du moyen-âge à 1946 en passant par le XIXe siècle

A la fin du moyen-âge, les bordels sont gérés par l’Église. En 1804, le Code Napoléon interdit la prostitution de rue, qui se cantonne désormais uniquement dans les maisons closes. L’état prélève entre 50 et 60% des bénéfices. Les filles sont souvent des mères célibataires, bannies par leur famille, perdues en ville, séduites puis réduites en esclavage par des placeurs. Beaucoup de ces prostituées sont des enfants sans père, issues d’une relation extra-conjugale, abandonnés dans les hospices, et revendus à des marchands d’enfants (28% d’abandons, 20% de décès avant l’âge d’1 an). Elles sont souvent contraintes à plus de 70 passes par jour. Certains bordels de luxe limitent les passes à 3 par jour, et 2 le dimanche. Elles sont plus de 30 000 à Paris entre 1870 et 1900, contre 1000 en 2012. Près du quart des parisiens consomment des prostituées. En 1945, la capitale comptera 195 maisons closes.